Maison d'architecte - 235 m² - 8 pièces à Dommartemont

En surplomb de Nancy, cette maison inaugure la trajectoire fulgurante de l'architecte Dominique-Alexandre Louis.
« Si tu veux que je te construise ta maison, tu as intérêt à lui trouver un terrain à la nature, avec vue panoramique et plein sud ! » : ainsi avait-il prévenu son ami d'enfance le docteur Picard qui lui servi « sur un plateau » ce qui n'était alors qu'un champ exposé au sud, adossé à la forêt au nord avec pour seule compagnie vergers et vignes. Comble du dénuement, le terrain lui coûta moins cher que la fourniture des poteaux nécessaires à son alimentation en électricité. Dominique Louis trouva là le rapport au paysage d'un promontoire de rêve en surplomb de Nancy : une Case Study House …
Dès 1957, par la fréquentation assidue du jeune couple aux deux garçons, le fougueux architecte se familiarise avec leur quotidien, leurs goûts, leurs aspirations en vue de composer un lieu en adéquation avec leurs attentes. A telle enseigne qu'il les suit à Cavalaire en vacances 15 jours au cours desquels le projet émergera de leurs rêves sous forme de croquis sur coins de nappe, carnets de notes et check-lists…
Comme une ode rituelle au quotidien et aux saisons
La déclivité du terrain de 4400 m2, permet d'organiser de plain-pied les deux niveaux de cette maison qui offre une surface habitable de 212 m² niveau principal et 23 m2 au niveau semi-enterré ou est aménagée une salle de jeu. A coté, le vaste garage qui réserve la moitié de sa surface à 2 voitures et s'ouvre par deux longues portes coulissantes dotées de portillons piétons intégrés. Avec d'autres locaux annexes cela réserve un potentiel d'aménagement sur une centaine de mètres carré.
L'habitation proprement dite est largement vitrée au sud ouvrant la plupart des pièces sur l'esplanade, la piscine et la vue. Animée par un jeu de niveaux, elle accueille un vaste espace de vie organisé entre deux épais murs de refend dont l'un soutient la cheminée suspendue et l'autre filtre l'entrée singulièrement ouverte sur le bureau-bibliothèque. Ce volume présente au sud un sol d'ardoise en opus incertum et au nord -surélevé de 80 cm- d'une tomette rutilante comme au premier jour. L'espace nuit comprend 3 chambres et 2 salles d'eau spartiates et réduites à l'essentiel.
Dominique Louis s'impose de bannir toute cloison de plâtre au profit de matériaux destinés à rester apparents ou de séparatifs-meublant dédiés aux rangements et aux équipements intégrés. A l'instar de cette pièce centrale, surélevée et conçue telle une vigie panoptique, que délimite un grand meuble modulant son degré de porosité et gérant toutes les fonctions domestiques propres aux cuisine et lingerie réunies. On imagine qu'elle permit un contact visuel permanent avec les 5 enfants de la famille et les autres … !
C'est le moment de souligner l'intervention de l'entreprise familiale d'ébénisterie Anxionnat et du fils Robert, architecte d'intérieur, qui dessinera tous les intérieurs des programmes de Dominique Louis. Coup de maitre que cette première collaboration de stratifiés inaltérables, de placages d'essence locale et de pin d'Oregon massif qui fourmille de détails d'ingéniosité et de spiritualité depuis ces trappes à linge sale ou déchets ménagers jusqu'à l'intégration discrète de cette « caisse américaine » magnifiant tabliers et torchons comme une ode rituelle au quotidien et aux saisons…
Quand nature et modernité se côtoient en harmonie
Dans une approche évoquant les premières maisons de Mies van der Rohe - sur une trame quadrillée de 480 cm - l'architecte met en œuvre une structure mixte et contrastée d'épais murs de pierre locale et de fins poteaux métalliques qui libère le volume des contraintes courantes d'aménagement et les façades est et sud de leur fonction porteuse.
Ces dernières sont constituées d'épaisses huisseries de bois verni qui alternent d'amples pans de verre toute hauteur avec de généreuses impostes vitrées surmontant des panneaux maçonnés immaculés et muets. Ainsi, la baie coulissante de 9 mètres et son jardin en pleine terre font pénétrer la nature au cœur de l'habitation tout en cadrant le paysage panoramique alors que le bandeau visuel continu en partie haute maintient la toiture en lévitation.
Il n'est pas hasardeux de relever les vertus bioclimatiques que Louis prônera dans tous ses programmes résidentiels.
Une attention particulière a été accordée à cette toiture monopente qui devait répondre aux impératifs climatiques de la région comme de supporter et retenir une épaisse couche de neige et de lui conférer, par son débord de 3 mètres au sud, une inertie ombragée protectrice en été…
Par cet encastrement dans la déclivité du terrain au nord où il place les espaces-tampons tels que la chambre de bonne, la cuisine, la lingerie et les toilettes puis il n'omet pas la vertu d'un espace traversant comme la salle-à-manger qui favorise une pratique symbiotique de la terrasse au nord en journée et la sur-ventilation la nuit.
La toiture et son plafond de bois inclinée à contresens du dévers naturel génère une variété de volumes et notamment une hauteur de vitrage au sud de près de 4 mètres qui laisse pénétrer largement le soleil en demi-saison et en hiver. Les sols chauffants revêtus de sombres dalles d'ardoises se chargent de ces calories gratuites et irradient la plus confortable des chaleurs.
À localisation exceptionnelle, lieu rare et atemporel.
N'ayant abrité que la seule famille du commanditaire en deux tiers de siècle d'existence, la maison ne connût que des adaptations mineures et se livre à nous intacte dans son état originel. Il est également possible d'acquérir la maison des grands-parents voisine que le docteur Picard commanda à son ami dix ans plus tard. Sur deux niveaux et pourtant furtive, son toit-terrasse règne avec l'esplanade de la maison principale. Elle offre une centaine de mètres-carré habitable et porte la signature Louisienne.
Deux tapisseries furent tissées à Aubusson et dessinées par son contemporain peintre et ami Camille Hilaire. L'une près de la cheminée exprime un tourbillon de feu et l'autre pour le bureau-bibliothèque est une composition mêlant géométrie et illisibles écritures.
Le projet initial de cheminée fut abandonné pour celle que nous lui connaissons en « coiffe de sorcière » et qui aurait été réalisée par les ateliers de Maxéville de Jean Prouvé.
Malgré sa discrétion, la maison Picard labelisée en 2013 Architecture Contemporaine Remarquable a valeur d'icône locale. À l'orée du plateau de Malzéville dédié au vol à voile et classé Natura 2000 et toute proche d'une table d'orientation elle n'en constitue pas moins, dans le quartier le plus recherché de l'agglomération nancéienne, l'habitation qui entretien la relation visuelle la plus directe sur la ville historique. Pour autant, ce « nid d'aigle » n'est qu'à quelques minutes du centre-ville et de toutes les commodités (transports en communs, commerces, écoles…).
La capitale lorraine est à 1h30 de Paris en TGV et rallie en autant de temps par la route, le massif des Vosges, l'aéroport du Luxembourg ou Strasbourg.
Dominique-Alexandre Louis, l'architecte rimbaldien
Né à Épinal, Dominique-Alexandre Louis (1924-1991) développe très tôt un goût pour la nature et la camaraderie au travers du scoutisme. C'est alors qu'il se lie d'une indéfectible amitié avec Jean-Marie Picard qui sera donc son premier commanditaire et le soutiendra durant toute sa fulgurante carrière. Il se forme à l'atelier de Roger-Henri Expert à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris, dont il est diplômé en 1955 et plus encore au cours de voyages qui le mènent au Cameroun, en Europe et aux États-Unis. Sans doute y prend-il connaissance des premières Case Study Houses, des dispositifs spatiaux de Richard Neutra et du minimalisme Miesien. On le suppose stagiaire à New-York chez Franck Lloyd Wright où il s'imprègne de sa science des matériaux, de son panthéisme, de sa philosophie libertaire et forge sa vision de l'architecture. En ces années 60, au sein de cette « nouvelle Ecole de Nancy » dont Jean Prouvé est la figure tutélaire, Dominique-Alexandre Louis est alors dans l'est de la France l'un des plus actifs de tous en ouvrant en une décennie une centaine de chantier, pour ces amis-confrères puis en son nom propre et cette profusion concentrée de lieux de culte, d'équipements publics et de maisons individuelles, lui confère-t-elle une place prépondérante dans l'histoire de l'architecture lorraine de l'après-guerre. Cette maison dont on peine à croire qu'elle soit la première inaugure une audace vigoureuse et toujours renouvelée qu'il conclura dix ans plus tard par son testament architectural à Épinal.
Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.
J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m'ont laissé́ descendre où je voulais.
A.R. 1871 crédits : photos 1 et 3 Lucile PIERRON, 2 et 4 documents graphiques D-A L (AMAL), photos suivantes Thierry BESSON

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